Légende de la belle Xochiquetzal, qui mourut de peine et d'amour. Aujourd'hui changée en la montagne enneigée connue sous le nom de Ixtaccíhuatl, et son amant fidèle, changé en Popocatépetl, veille sur son sommeil.

Les forces guerrières de l'empire aztèque rentraient déroutées et tristes dans la vallée de Anáhuac, à côté des cinq lacs de Chalco, Xochimilco, Texcoco, Ecatepec et Zumpango. Les cavaliers Águila et Tigre portaient leur panaches détruits, les matraques édentées, les boucliers abîmés, les habits en lambeaux et ensanglantés. Les yopica, vieux et sages maîtres de l'art de la stratégie, attendaient lesdits guerriers pour leur demander une explication sur cette déroute tant honteuse, puisque paraissaient avoir été inutiles les enseignements dans le Calmécac ou l'Académie de Guerre. L'armée était commandée par un guerrier qui, malgré la triste bataille, conservait son arrogance et l'orgueil de ses origines.

Le peuple entier pleura la déroute. Les femmes, honteuses, cachaient leur visage ; seule une d'entre elles restait sereine, regardant sombrement le puissant chef. Elle était Xochiquetzal, ce qui veut dire belle fleur, et quand elle remarqua le regard du chef guerrier, elle se sentit comme si elle allait défaillir, car en fait il était son amant fidèle. Malheureusement Xochiquetzal avait contracté un mariage avec un tlaxcalteca, qui lui avait faussement juré que son amant, son doux et fidèle guerrier aztèque, était mort à la guerre de la main des zapotecas.

Xochiquetzal dit à son mari qu'elle ne lui pardonnerai jamais la tromperie et que pour toujours dans son coeur resterait allumée la flamme de l'amour pour son fidèle guerrier aztèque. Dans un moment d'arrachement, elle couru le plus loin qu'elle le put, jusqu'à arriver au lac de Texcoco. Son époux, le tlaxcalteca lui couru après ; le guerrier aztèque, voyant la scène, empoigna avec furie sa matraque et les suivit.

À se voir face à face les deux hommes ne dirent rien, parce qu'aucune raison ne pouvait dépasser celà. Le tlaxcalteca sorti sa dague qu'il avait cachée sous sa cape et l'aztèque brandit sa matraque. Commença alors une rude bataille. Le tlaxcalteca se défendit de toute ses forces, pendant que l'aztèque acquis des forces incroyables, provoquées par tant de jours d'attente, par tant de luttes qu'il avait affrontées avec avidité pour enfin retourner dans les bras de Xocihquetzal.

Finalement, presque à la tombée de la nuit, l'aztèque blessa son rival à mort, qui fuit vers son pays - peut-être pour chercher de l'aide pour le venger de son ennemi.

Le vainqueur retourna chercher sa Xochiquetzal aimée et la trouva raidie à jamais, morte au milieu de la vallée, parce qu'elle n'avait pas pu supporter la honte d'avoir été avec un autre homme. Le guerrier la regarda, le coeur brisé. Il s'agenouilla a son côté et pleura de la plus amère des peines. Il coupa des fleurs de xoxocotzin et en recouvrit lentement le corps de Xochiquetzal, le couronna avec des fleurs odorantes de yoloxóchitl (ou fleur du coeur), brula de l'ambre et rendit les honneurs à la femme de sa vie. Le cenzontle, l'oiseau aux quatre cent chants, rendit aussi les honneurs aux amoureux, chantant doucement toute la nuit, jusqu'à ce que le ciel se couvre de gros nuages et que le messager de la mort, Tlahuelpoch, fasse son apparition.

La légende raconte qu'en un fragment de seconde la terre trembla et de féroces éclairs déchirèrent le ciel. Il tomba des pierres de feu sur les cinq lacs et les gens de la vallée de Anáhuac furent emplis de frayeur.

À l'aube se trouvaient ici, où avant il y avait une vallée, deux montagnes enneigées : l'une avait la forme particulière d'une femme étendue sur une tombe de fleurs blanches ; l'autre avait la forme d'un guerrier aztèque agenouillé aux pieds enneigés de l'impressionnante sculpture de glace de la femme couchée.

Depuis donc ces deux volcans, qui veillent aujourd'hui sur la vallée de l'Anáhuac, portèrent les noms de Iztacc­íhuatl, la femme endormie, et de Popocatépetl, qui se traduit par la montagne qui fume, car des fois s'échappent des fumées de son immense cratère.

Quant au lâche tlaxcalteca, d'après ce qu'il se dit, il mourut perdu, près de son pays. Il se changea aussi en montagne, et on lui donna le nom de Poyautécatl, qui signifie Seigneur Crépusculaire, puis on l'appela Citlaltépetl, ou Montagne de l'Étoile. Depuis loin là-bas il veille sur le sommeil éternel des deux amants, qu'il ne pourra jamais séparer. Pendant de nombreuses années, jusque peu avant la Conquête par les espagnols, les demoiselles mortes d'un amour malheureux ou par mal d'amour sont enterrées sur les flans de la montagne Iztacc­­íhuatl.